6 mois à Darwin

On trouve enfin une maison que l'on partage avec des amis taïwanais, coréens, japonais et français. C'est beaucoup trop cher et le proprio est chiant, mais on est en plein centre-ville et ça fait du bien d'être installé au même endroit après un an de bougeotte. On a maintenant un semblant de vie normale, vélo boulot dodo en Australie.
Tous les matins à l'aube, juste avant le boulot, je m'installe dans un parc pour émerger du sommeil et siroter un café bien glacé parce que malgré l'heure, il fait déjà plus de trente degrés. Les derniers fêtards titubent à la sortie des clubs vers leur hôtel, les immenses chauves-souris s'envolent des manguiers pour laisser place aux perroquets et aux cacatoès à tête rose pendant que sur la pelouse, étendus et semi comateux, un groupe d'aborigènes semblent avoir succombé au grog (alcool).
Je prends le monte-charge jusqu'au dernier étage de la tour où je travaille et finis mon café en observant le soleil qui s'installe dans le ciel, colorant la baie de Darwin de magnifiques teintes orangées. J'accueille mes collègues de travail grecs dans leur langue pour leur faire plaisir. Kalimera yani, kalimera costa, et comme tous les matins depuis bientôt six mois, je n'ai droit, en guise de réponse, qu'à un genre de grognement primitif que j'interprète par, salut Jean-Michel, comment vas-tu my mate!, question de ne pas perdre le sourire. Ils sont toujours aussi sympathiques.
Le patron arrive, crie encore une fois après tout le monde en grec, moi y compris, et m'explique le boulot pour les dix prochaines heures en moins de deux minutes avec son accent pas possible auquel je ne pige toujours rien. Mais maintenant, je ne stresse plus et le laisse partir pour la pêche sans poser de question parce qu'une fois qu'on a déjà construit un étage, finalement c'est toujours le même travail d'un niveau à l'autre. Par contre, c'est de plus en plus haut et ça commence à être un peu trop haut à mon goût!


Le travail en tant que tel est agréable, je travaille fort physiquement au soleil et le boss n'est jamais là, mais maudit que les journées sont longues sans parler! J'essaie d'avoir des conversations, mais............ rien! Je propose de leur enseigner l'anglais, mais mis à part apprendre à compter et le nom des outils, ça ne les intéresse pas. Why? Ten thousand greek in Darwin!
On me transfère sur un autre chantier pour aider à la fabrication des escaliers. Parfait, j'apprends de nouvelles techniques et je peux enfin avoir une vraie expérience de travail dans un milieu anglophone. J'assiste Troy, un petit gros au chapeau de cowboy et à la moustache de champion, 100 % Australien et fier de l'être, tellement, qu'il a le drapeau tatoué en plein milieu du dos!
Huit heures, il nous manque quelques outils, on prend le camion pour aller les chercher sur un autre site. En chemin, on fait un arrêt au service à l'auto du bottle shop! Le commis, qui semble reconnaître un habitué, nous décapsule deux bières pour la route. On fait quelques détours en ville le temps de finir nos bouteilles, puis on s'arrête de nouveau dans une autre commande à l'auto. Deux autres VB, mate! Au retour, le même manège recommence, j'essaie de refuser une troisième et quatrième bière, mais Troy, qui a maintenant une tronçonneuse à portée de main, insiste fortement!
Neuf heures c'est la pause, smoko comme on dit ici. Je prends un café dans un coin avec un autre employé à l'haleine d'alcool du tonnerre, il semble franchement amoché. On discute un peu, il m'offre un coke puis, se relève avec peine et me quitte d'un pas chancelant pour remonter au sommet de la grue qu'il contrôle!!!!!!! Je le regarde gravir l'interminable échelle avec la forte impression qu'il n'y arrivera pas, j'ouvre la canette qu'il m'a donnée et en prend une grosse gorgée, Poooooouah!!!! Jim beam bourbon cola! Heureusement, je suis rapidement retransféré avec mes charmants amis grecs, sinon je finissais complètement alcoolique!
En creusant pour la construction d'un nouveau bâtiment on aperçoit toujours de gros lézards et, à chaque fois, tout le monde se fout de ma gueule quand je me sauve à toute vitesse des reptiles et des serpents pourtant complètement inoffensifs. Les insectes me dérangent moins, j'en ai vu d'autres! En essayant de remettre en marche un moteur qui s'est arrêté, je sens une brûlure atroce sur l'avant-bras. Je remarque une petite plaie et le moteur ne semble pas si chaud, alors je me remets au travail. Mais la blessure devient purulente et la douleur empire de jour en jour. Après une semaine, le tout tourne au noir et enfle à un rythme alarmant. Elaine me force à aller voir le médecin. Le verdict : piqure d'araignée! Après deux jours de traitements aux antibiotiques, rien ne s'améliore et j'ai l'impression que quelque chose gruge tranquillement mon bras. La douleur est intolérable. On change de traitement, j'ai maintenant droit à une injection sur les fesses tous les matins et finalement, je finis par guérir rapidement. Au bout d'une semaine, tout est désenflé et le pus a disparu. Je n'ai plus qu'une cicatrice sur l'avant bras en guise de souvenir. Deux semaines plus tard, sur le même chantier, la même douleur, mais cette fois sur le tibia. Ça ne semble pas trop s'infecter, donc je ne m'inquiète pas, mais juste pour être certain, le médecin me pique encore une fois sur les foufounes. Le lendemain matin, tout mon tibia semble être un marécage de pus infect et ça fait mal en tab............... Direction l'urgence, on me donne aussitôt des calmants et on m'installe des intraveineuses. Le verdict : piqure d'araignée et streptocoque, une autre semaine de congé. De retour au travail, j'insiste pour travailler au sommet de la tour, le plus loin possible de ces maudites araignées!


Àprès 6 mois, on propose de me sponsoriser pour l'obtention d'un visa de travail de deux ans, premier pas pour la citoyenneté australienne...................... euh.... non-merci!!

Jean-Michel

Après avoir lavé la vaisselle quelques semaines et m'être occupée des buffets de mariage la fin de semaine, on m'offre le poste de "buffet runner". Je suis maintenant responsable de la propreté du buffet au restaurent le Sunset et prépare la nourriture entre le dîner et le souper dans mon habit de chef, avec ma belle toque sur la tête.


Je travaille fort, comme une petite abeille. J'ai parfois l'impression d'être une machine et je n'ai jamais travaillé aussi fort de ma vie.
Mon équipe de travail est merveilleuse et provient des quatre coins de la planète. Je rencontre des gens formidables avec qui je me lie d'amitié pour la vie.
Je reçois énormément de compliments de mes patrons, ce qui me valorise beaucoup et me prouve que je suis capable de travailler aussi bien dans un autre pays, dans une autre langue et dans un domaine complètement différent de celui auquel je suis habituée.
Je passe par-dessus le stress et les craintes. Grâce à ma persévérance, on peut maintenant repartir en voyage!
Àprès 6 mois, on propose de me sponsoriser pour un visa de travail de deux ans, premier pas pour la citoyenneté australienne...................... on sait jamais, ça pourrait être bien!!



Elaine

Nos 6 mois de travail terminés, les poches à nouveau remplies, on part sur les routes de l'Australie avec un grand sourire pour l'un, et le coeur gros de quitter tous ses nouveaux amis pour l'autre.



australie_how'd you like me to kick you in the nuts

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1 commentaire:

  1. Pauvre Jimi, il fallait vraiment avoir la "piqure" des voyages pour avoir enduré tout ça!

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